Julien Doré Douce imposture

Votre carrière musicale est marquée par une grande diversité de styles et d’influences. Comment parvenez-vous à évoluer musicalement tout en restant fidèle à votre identité artistique ?

Je pense qu’on gagne en cohérence artistique justement quand on n’essaie pas de reproduire les schémas qui ont pu fonctionner. J’aime voyager dans plusieurs styles tout en essayant de les aborder avec sincérité et amusement, ce qui, je crois, laisse à chaque fois une signature propre à mon univers. Je ne me pose pas la question de savoir qui je suis aux yeux des autres, car cela m’obligerait à rester figé et à créer en fonction de ces attentes pour ne pas les décevoir. Je préfère me balader dans ce qui me plaît, m’amuse, tenter des choses, essayer, échouer, peu importe, mais je refuse de sacrifier l’audace au nom d’un statut.

Votre dernier album « Imposteur » s’annonce comme un véritable succès.
C’est donc vous l’Imposteur ? (Rires)

Que les choses se passent bien ou mal, on est tous l’imposteur de quelqu’un, de quelque chose, et parfois même de soi-même. Nous sommes constamment bercés de contradictions et de paradoxes dans une époque qui exige des avis tranchés entre le bien, le mal, le vrai et le faux. Évidemment, tout cela est une illusion. Choisir le mot «Imposteur» comme titre d’album, c’est choisir un terme qui, à l’époque de La Nouvelle Star, me définissait dans certains articles. Reprendre les chansons des autres et les transformer jusqu’à se les approprier est, en soi, une douce forme d’imposture.

Quelle a été votre démarche pour sélectionner les chansons que vous reprenez dans votre album et pourquoi ?

Cela a été un long travail de plus de trois ans. J’avais des fragments enregistrés en mémos vocaux sur mon téléphone, ainsi que des listes de chansons que j’aime ou que j’aimerais reprendre un jour. Puis est venue l’envie de concrétiser ce projet, et là, le travail a commencé. J’ai testé des centaines de chansons au piano, à la guitare, avec la difficulté de respecter leur structure complète (texte, accords, mélodie). Il est facile de reprendre une chanson sur une minute, encore plus facile de ralentir une chanson joyeuse, mais en faire un album entier tout en respectant les bases de chaque morceau est un travail long et délicat. J’ai conservé les reprises qui me semblaient offrir une vraie relecture, un nouvel axe, parfois dans l’interprétation, parfois dans l’arrangement. Chaque chanson a un lien avec moi, mon enfance, mon adolescence, ou mon envie de faire de la musique.

 

 

Comment reliez-vous concrètement l’instant présent à vos souvenirs dans vos chansons?

C’est un voyage entre une émission de télé où, à 24 ans, je reprenais les chansons des autres, et 17 ans plus tard, à 42 ans, je ravive la nostalgie de cette époque pour l’inscrire dans le présent. Les émotions ne vieillissent pas, et l’aigreur n’altère pas les bons souvenirs. En 2007, j’ai eu le sentiment de naître aux yeux du public. Aujourd’hui, je veux rendre hommage à cette période où tout me semblait possible, libre et vivant. J’ai envie, à l’instant présent, de parler et de chanter mes souvenirs.

Vous dites : « Je veux réussir à dire qui je suis, dans les mots des autres, avant de partager les miens ». Est-ce par pudeur ou une façon de préserver une part de mystère ?

Non, c’est simplement par là que j’ai commencé en 2007. C’est aussi, pour moi, la définition d’une reprise réussie : injecter une part de soi dans quelque chose qui ne nous appartient pas à l’origine. C’est ainsi que je définis cet album. Plus tard, sans doute, il y aura un autre album, avec des chansons originales que j’écrirai et composerai, comme toujours, avec mes propres mots.

Vous avez un parcours impressionnant dans la musique, mais qu’est-ce qui vous a motivé à explorer le monde de la fiction ?

C’était une bulle d’oxygène dans un domaine où je ne maîtrisais rien. L’envie de se mettre en danger, sans le chant. Ma vie, c’est la musique et mon lien avec ceux qui m’aiment bien. Le reste, ce sont des tentatives pour changer d’air, d’espace. J’ai fait deux saisons de la série PANDA sur TF1, tout comme j’ai été jury une année dans The Voice Kids. Je me balade, je goûte, je teste, puis je retourne toujours à la musique, qui est et restera mon univers.

Quelles sont les nouvelles inspirations qui vous animent ?

Elles ne changent pas, même avec le temps, et surtout grâce au temps :
mon fils, le silence, l’isolement, la nature, les animaux, et un peu des autres.

Entre la musique et la fiction, où vous voyez-vous évoluer dans les prochaines années ?

Sur scène, avec la musique. C’est ma vie. Le reste n’est qu’un passe-temps.

Avez-vous des envies particulières que vous n’avez pas encore explorées dans ces domaines ?

Avec mon co-réalisateur de clips, Brice VDH, nous écrivons depuis plusieurs années. Nous avons des idées de séries, de films, de documentaires. J’aimerais beaucoup réussir à travailler sur un format plus long que le clip, avec lui.

Êtes-vous un homme de passion ou de raison ? (Sourire)

Je suis extrêmement passionné, même débordant de passion. Mais ma sensibilité au monde actuel, avec sa violence, sa bêtise, sa radicalité, me pousse à raisonner beaucoup, trop même, non plus pour moi, mais pour l’avenir de mon enfant.

Que souhaiteriez-vous aux lecteurs de LiFE magazine ?

De prendre soin d’eux et de ceux qui les entourent.