Auteur, compositeur, grand fan de Django Reinhardt, Thomas Dutronc a signé un joli succès avec son dernier album « Frenchy », un album de reprises de chansons françaises en version jazzy, dont une nouvelle édition vient de sortir avec 6 nouveaux duos bonus. Le chanteur nous accueille chez lui en Corse à Lumio pour évoquer ses projets, ses collaborations, sa vision du jazz et ses prochaines envies.
Quel est votre état d’esprit après une année difficile pour le milieu artistique ?
Mon état d’esprit est encore démocratique mais j’ai hâte que ça reprenne. Il y a beaucoup d’égoïsme sur le continent, les gens sont vraiment agacés… Tout est relatif, pour moi ça n’a pas été très difficile, je ne suis pas personnel soignant.
Quelles ont été vos pensées, vos priorités durant cette période ?
Fatigué par ce climat d’intolérance, on a l’impression qu’on est plus tellement fier d’être français. Ici (en Corse) les gens sont fiers, ont des valeurs, ils le revendiquent et c’est beau. Moi j’ai un côté comme ça quand j’écoute Trenet, Gainsbourg ou Brassens je suis fier de la France de mes parents mais voilà aujourd’hui on perd ces valeurs, le pays est écartelé par beaucoup de tensions de violence, de jalousie aussi, la haine de l’autre!
Qu’avez-vous changé dans votre mode de vie ?
J’ai attendu mais ça va, ce n’est pas la guerre de 14 quand même ! J’ai eu la chance de pouvoir être à la campagne, de venir en Corse. J’’ai fait attention mais le monde me manque, les gens, les copains musiciens me manquent. J’ai hâte que l’on soit tous vaccinés parce que malgré tout ce qu’on entend, le vaccin c’est quand même la solution pour enfin revivre un peu normalement.
Comment est venue l’idée de l’album « Frenchy» ?
J’ai eu envie d’aller jouer aux États-Unis, en Angleterre, au Japon… pas dans l’idée de conquérir le monde mais plutôt de dégoter des petits concerts et sortir l’album aux États-Unis. On se rend compte en reprenant des chansons françaises, qu’on peut en être fier et qu’on les oublie trop. La grande idée était d’avoir des invités chanteurs prestigieux d’autres pays mais malheureusement on était confiné et on n’a pas pu continuer le concept… donc fait appel à des Français. Le destin du disque était changé.
On a souvent tendance à dénigrer les albums de reprises. Qu’en pensez-vous ?
Aux États-Unis c’est plus habituel qu’un chanteur reprenne des standards alors que nous ici on veut toujours tout faire seul et être des auteurs. Moi-même je n’y croyais pas et c’est mon manager Vincent qui a insisté. Les musiciens sont tellement dingues, Rocky Gresset à la guitare, Éric Legnini au piano, Thomas Bramerie à la contrebasse et Denis Benarrosh à la batterie que quand on a démarré en fait il s’est passé un truc, c’était magique. Ces musiciens-là sont hors du commun, ils amènent une magie une grâce un truc de fou quoi.
Le choix des artistes a-t-il été difficile ?
Oui. On a eu énormément de chance qu’Iggy Pop accepte ! Il adore la France et c’est grâce à lui que Diana Krall est venue car elle voulait faire un truc avec lui. En fait, tous les gens qui ont dit oui ont un lien fort avec la France. Billy Gibbons, sa femme a fait ses études de danse en France, Jeff Goldblum est marié à une francophone, canadienne. Youn Sun Nah, Sud-Coréenne a étudié la musique et le chant à Paris. (Également sur l’album : Jane Birkin, Étienne Daho, Jacques Dutronc, Philippe Katerine, Stacey Kent, Clara Luciani, Eddy Mitchell, Haley Reinhart).
Quelles sont les chansons avec lesquelles vous avez grandi ?
Ma mère écoutait beaucoup de variété française et dans ma tendre enfance c’était plutôt Eddy Mitchell, Alain Souchon et Véronique Sanson. Puis j’ai découvert ce qu’écoutait mon père en bagnole, genre Willie Nelson et Johnny Cash. À l’âge de 11 – 12 ans, période rock ‘n’roll avec les vieux disques de mes parents, plutôt ceux des années 50 : Eddie Cochran, Gene Vincent, Chuck Berry. À 14 ans j’écoutais Jimi Hendrix, pas mal de rap américain, j’aimais bien aussi le funk de James blunt ou Herbie Hancock. Ensuite, grosse période disco, petite période de guitare électrique à 14-15 ans. Ce n’est qu’à 17 ans que j’ai commencé à vouloir me cultiver musicalement, j’ai découvert Brassens, Django à 18 ans puis je me suis mis au classique car avant j’écoutais Michael Jackson, Joe Cocker, les Stray Cats… J’aimais bien la guitare sans m’en rendre compte et sans en faire, c’est maintenant que je m’en aperçois.
Étiez-vous plus variétés françaises ou pop anglaise ?
Plus musique américaine finalement que pop anglaise. J’ai toujours écouté plus de blues, Hendrix et Chuck Berry que les Beatles et les Stones. Ados, tu ne sais pas trop pourquoi tu écoutes un truc plutôt que l’autre…
« Ce n’est pas toujours évident de trouver d’aussi belles mélodies (en faisant réf aux reprises de l’album) dans les morceaux récents », Seriez-vous mélancolique et nostalgique du temps passé ?
Non! c’est juste qu’aujourd’hui les gens sont moins musiciens, donc le niveau mélodique baisse. Quand on a cherché des mélodies récentes qui ont fait le tour du monde, y en a pas douze millions non plus. J’aime bien aller chercher dans toutes les époques, il y a des choses intéressantes à trouver.
Nous sommes en Corse, alors parlons en un peu, est-ce là un lieu où vous trouvez l’inspiration ?
Oui, j’ai eu souvent l’inspiration ici parce que ça correspondait à l’été, aux vacances, à la fête, à la vie.
Qu’est-ce qui vous rattache à cette terre ?
La Corse, c’est 1000 choses à la fois pour moi. C’est l’endroit où je venais tout le temps en vacances quand j’étais petit, c’est là où j’ai découvert la nature, j’allais me balader tout seul un peu dans le maquis, escalader les rochers dans les collines et la petite montagne, j’aimais cela. C’est aussi ici que j’ai commencé la guitare et j’allais jouer dans les villages. C’est aussi mes noëls chez mon grand-père. Mon attachement n’a fait que grandir, j’aime les gens, leur caractère, leur liberté, leur fierté, leur humour, Les gens que j’aime ici je les aime vraiment. Ça se fait naturellement, j’adore la Corse et les Corses ! (sourires)
Quelles sont vos futurs projets ?
On est sur un nouvel album. Cet été, on part en tournée avec « Frenchy », ce sera une petite tournée et puis au printemps prochain le projet de partir sur les routes avec mon père en concert à deux. La famille Dutronc sur les routes. On va s’éclater.
Que pourriez-vous souhaitez aux lecteurs du LiFE magazine ?
Life c’est la vie, vive la vie. Il faut sortir, profiter, rencontrer et parler avec les gens, il faut aller au cinéma au théâtre au café « Vivre » et arrêter de penser à soi, c’est vraiment le syndrome et moi et moi et moi… ça ne date pas d’hier.