Philippine Leroy-Beaulieu n’est plus une inconnue pour les adeptes des séries françaises,
ni même du grand écran. Cependant, la série “Emily In Paris” a renforcé sa notoriété
dans le monde du cinéma. Rencontre avec une femme solaire et généreuse.
Dans quel état d’esprit êtes-vous alors que nous avons traversé une période assez difficile et que la culture a été impactée ?
Je suis patiente et observatrice. Cela a été un moment particulier qui a fait émerger la peur sous toutes ses formes. Il y aurait beaucoup à dire là-dessus. Le repli sur soi, la méfiance de l’autre, l’incapacité même à penser. Pourtant c’est une épreuve qui a renforcé ma volonté de vivre. Nous vivions dans une société qui ronronnait autour de ses acquis, sans se rendre compte que les choses importantes, celles qui nous gardaient en Vie – avec un grand V – étaient celles qui n’avaient pas de prix. Les plus simples et les plus délicates. Et lorsque nous avons été privés de l’autre, de son corps – parce que la communication se fait en présence des corps, pas à travers un écran – nous avons réalisé à quel point son absence nous vidait, énergétiquement. Lorsque nous avons été privés de travailler ensemble, ceci est très vrai pour les gens du spectacle pour qui la notion de « troupe » est essentielle, nous avons pu réactualiser les raisons qui nous poussaient à faire nos métiers. Le partage des émotions, dans la fabrication aussi bien qu’au moment où elles sont données au public. La tristesse de toute cette période a été cette obligation qui nous a été faite de défaire les liens qui nous unissent, mais la Vie est plus forte !
Y a-t-il des choses que vous avez changées et améliorées dans votre quotidien, de nouvelles priorités dans votre vie ?
Ce sont des choses profondes. Mis à part encore plus de sport, parce que le corps exulte! Mais je dirais que j’apprends à faire plus attention à mon rapport à l’autre. Je pense tous les jours au courage de vivre, à la force qu’il faut y consacrer. C’est comme si ce moment avait ouvert mes yeux sur toutes les choses que je pouvais améliorer en moi pour me relier au monde de manière plus généreuse. J’y travaille tous les jours car je reviens de loin ! Sinon, concrètement, je n’ai pas changé grand chose dans ma routine. Je mange sain et je fais bouger mon corps depuis toujours. Et j’ai acheté une guitare. C’est un plaisir d’apprendre un instrument !
Nous vous avons retrouvé avec joie dans la série Emily in Paris sur Netflix, comment est né ce projet ?
Pour moi le projet est né de manière très banale : un casting ! Juliette Ménager qui cherchait une Sylvie pour Darren Star, m’a appelé un jour pour me dire : il y a un truc que tu pourrais faire mais tu es beaucoup trop vieille. Mais tu pourrais tout à fait la jouer ! Effectivement le rôle avait été imaginé pour une femme de 35 ans. J’ai lu et je me suis dit
« je connais cette femme… mais tellement bien ! », j’ai dit au casting :
tentons le ! Je suis trop vieille, certes, mais il y a quelque chose de ma mère en elle, quelque chose que je connais, cette dureté qui cache une blessure ! Alors elle m’a tout de même présenté à Darren Star et j’ai été surprise d’apprendre que ça a été une évidence aussi pour lui, même s’il a mis deux mois à m’engager officiellement !
Que pourriez-vous, nous dire sur la saison 2 d’Emily in Paris, que nous retrouverons sur Netflix pour les fêtes de fin d’année ?
Malheureusement je ne peux rien dire… Vous pensez bien ! (rires)
Que vous a apporté le rôle de Sylvie, celui d’une femme aux multiples facettes, pas vraiment sympathique et plutôt très autoritaire ? Cela vous ressemble t’il dans la vrai vie ? Ou était ce simplement une façon de montrer la face cachée de chacun d’entre nous ?
C’est la faille qui est belle. On a tous des carapaces qui essayent de dissimuler nos fragilités. Dans le cas de Sylvie, le monde change et ce qu’elle représente est en danger, son âge est une faiblesse, ses choix de vie l’ont rendue très solitaire et très guerrière. Elle navigue comme elle peut. J’ai toujours été bouleversée par ça: la faille cachée. J’ai très vite compris que les gens difficiles étaient en fait très fragiles. J’aime pouvoir les jouer aussi parce qu’il faut cesser de juger les gens au premier abord. Pour moi, le mot d’ordre pour ce personnage était « les gens les moins aimables sont ceux qui ont le plus besoin d’amour ». C’est facile à dire et difficile à faire, de leur donner l’amour qu’ils réclament. Pourtant c’est la seule façon de désamorcer la bombe prête à exploser qu’ils portent en eux en permanence. Parfois on y arrive, parfois on échoue. Nous sommes tous humains et avons nos fragilités. Le tout est de le savoir et naviguer en essayant de garder un cap. Sylvie m’apprend à regarder ce qui en moi et chez les autres est dissimulé. C’est un voyage passionnant !
Est-ce que la comédie était une évidence pour vous ? Ou auriez vous préféré des rôles plus dramatiques ?
J’aime la comédie parce que je peux y exprimer des choses graves sans prendre la tête à personne ! Je suis un clown dans la vie. Et aussi une vraie casse pieds. Je suis capable de vraiment prendre la tête aux gens, tout en ne prenant rien au sérieux. Je crois que c’est à cause de l’Italie. L’autodérision italienne est ce qui me manque le plus à Paris. On peut dire des choses importantes, mais il faut aussi savoir qu’on ne sait rien, qu’on parle parfois pour ne rien dire ou pour affirmer une identité assez vaine, au fond…
Vos racines sont italiennes, où la famille est également très importante, avez-vous songé à un moment à y retourner vivre ?
Mes racines familiales sont françaises mais j’ai vécu les onze premières années de ma vie à Rome, où j’ai encore mon père et trois frères et soeurs. Peut-être j’y retournerai pour mourir !
Quels sont vos futurs projets et où irez-vous vous ressourcez pour cette fin d’année 2021 ?
Mes projets immédiats sont une participation dans The Crown qui m’enthousiasme et m’honore !!! Et sinon j’attends de tomber sur LE rôle qui me fera évoluer vers autre chose. Pour l’instant on ne me propose que des choses trop proches de ma Sylvie d’Emily in Paris où des personnages carrément très noirs ! Or je n’ai pas du tout envie de ça !
Pour Noël je n’ai pas du tout réfléchi !!! (Rires) Je suis souvent en impro pour ce qui est des voyages ! Il se peut que j’aille en Italie, mon Italie qui me manque tout de même beaucoup ! En tous les cas c’est de ça dont j’ai envie aujourd’hui ! La douceur et le rire des italiens !
Comment pourriez-vous, vous définir en 3 mots ?
Têtue, courageuse, trop paresseuse…
Que pourriez-vous souhaiter aux lecteurs du LiFE Magazine ?
Aux lecteurs de Life Magazine je souhaite de trouver plein de joie et de coeur à l’ouvrage pour reconstruire. Une crise c’est une opportunité, comme on dit. Et celle-ci est tellement vaste que nous avons une chance unique de mettre la main à la pâte pour voir naître un monde de paix. Je suis persuadée que si nous avons tous cela dans le cœur, nous y arriverons.