Ancien policier sorti du rang, Jean-Louis Fiamenghi a débuté en 1972 comme enquêteur contractuel, avant de gravir tous les échelons de la hiérarchie. Patron du Raid, chef du Service de Protection des Hautes Personnalités (SPHP) sous Nicolas Sarkozy, puis Préfet, Directeur de Cabinet du Préfet de police de Paris, il est aujourd’hui Directeur sûreté du Groupe Veolia.
Vous sortez « Dans le Secret de l’action, Mémoires » aux éditions Mareuil, pourquoi avoir rédigé ce livre ?
Un jour de janvier 2015, alors que je roulais dans la file des taxis, deux policiers m’arrêtent, me reconnaissent et me disent : « Monsieur Le Préfet, vous avez fait une carrière exceptionnelle, que nous ne pourrions plus faire à notre époque. » On discute, ils me donnent l’idée d’écrire mes récits dans un livre qui pourrait rencontrer un public jeune. Je raconte l’anecdote à mon fils qui me confirme l’intérêt. J’ai mis l’idée de côté.
Puis, surviennent les attentats de Charlie Hebdo, je me retrouve sur les plateaux de télévision et je rencontre les gars de la Police et de la Gendarmerie avec lesquels je travaillais. On parle de ces nouvelles formes de terrorisme qui vont d’ailleurs se répéter toute l’année 2015. Peu de temps après, j’ai eu le déclic, il fallait que j’écrive tout ce que j’avais vu et ressenti.
Crédit photos : Jean-Louïs Fiamenghi / Sandrine Sarfati / Mareuil Editions
Pourquoi le Raid fait-il tant rêver ?
Nous sommes ceux qui libérons les otages et à ce titre le public nous prête les mêmes qualités d’invincibilité que celles de leurs héros cinématographiques. La tenue noire, la cagoule ont tendance à renforcer ce mythe. Mais je dois vous avouer que la réalité est parfois différente et seul le travail nous permet d’obtenir les qualités nécessaires à résoudre ces situations à risques.
Quand on est dans le feu de l’action, oublie-t-on qui on est ?
Dans l’action, nous sommes concentrés sur la nécessité de neutraliser des individus menaçants. Dans ces moments d’incertitude, nous sommes soumis à des éléments stressants qui réduisent notre perception et nous conduisent à agir dans l’instinct. A cet instant la raison doit sans cesse tenter de contenir nos émotions telles que l’angoisse, la peur, pour garantir le succès de notre mission.
L’arrestation de Mesrine n’est pas une belle affaire. Je n’ai pris aucun plaisir particulier. Le cas est intéressant seulement par rapport au nom du voyou.
Un bon flic doit-il être un bon voyou ?
Sûrement pas car nous n’avons pas les mêmes valeurs même si nous partageons le même goût pour les armes, et fréquentons les mêmes lieux pour en connaitre les habitudes de nos clients. Cependant, il faut hélas constater que la société évoluant, les comportements des voyous et des policiers changent. Le mythe de la parole donnée tend à disparaître. Les rapports se radicalisent, véhiculés par la haine de l’autre. Il existe, peut être en Corse, la survivance de cet espèce de respect entre flics et voyous, dû à des histoires communes de jeunesse.
Il y a-t-il des femmes dans le Raid ?
Lorsque je suis entré au Raid, il n’y avait jamais eu aucune femme intégrée. J’avais demandé si on pouvait en recruter certaines car je pensais qu’elles pourraient apporter quelque chose d’intéressant dans le groupe. Mais ce n’est pas si simple… Le problème réside dans les difficultés que cela entraine, notamment en ce qui concernent le rapport aux hommes. On est amené à vivre ensemble parfois pendant trois semaines, il y a une promiscuité et forcément les rapports hommes/femmes sont difficiles à gérer. On a quand même intégré certaines femmes dans nos équipes, à des postes spécifiques comme la surveillance, la filature, la négociation. Leur diplomatie était un atout. Elles nous ont permis de stabiliser le groupe au niveau de l’ambiance collective. Elles nous ont amené un équilibre. La greffe a bien pris. Aujourd’hui, le Raid est en train d’embaucher des femmes sur les interventions. L’idée est de commencer à les former au tir de fusil afin qu’elles incorporent les équipes de sniper. Les femmes sont meilleures que les hommes en gestion du stress. Le sang ne les choque pas vraiment puisque quelque part, elles y sont habituées… C’est une force. Un homme, lui, peut paniquer dès qu’il est blessé.
Quelle est votre plus belle affaire ? L’arrestation de Mesrine ?
L’arrestation de Mesrine n’est pas une belle affaire. Je n’ai pris aucun plaisir particulier. Le cas est intéressant seulement par rapport au nom du voyou.
Mais je vais vous raconter une belle opération. Pendant des mois on a surveillé une équipe de braqueur de banques. Alors qu’on était en pleine filature, on les a vu mettre en place des repérages pour kidnapper un banquier. On les a donc suivi et le jour J, ils ont enlevé le banquier comme prévu sauf que nous étions présents. Trois heures après, l’otage a été libéré. Une surprenante et belle affaire de banditisme ! On a ouvert le dossier sur un simple renseignement et on a permis l’arrestation de toute l’équipe.
Jean-Louïs Fiamenghi
Dans le Secret de l’Action
Mareil Editions
www.mareuil-editions.com