Céline Cousteau, exploratrice et documentariste, petite fille de Jacques-Yves Cousteau et fille de Jean-Michel Cousteau évoque ses souvenirs d’enfance pour la sortie du Film de Jérôme Salle L’Odyssée. Rencontre avec une femme de coeur et de caractère.
Le film l’Odyssée de Jérôme Salle est sortie en salle en octobre. Avez-vous vu le film et qu’en avez-vous pensé ?
J’ai vu le film le jour de sa sortie. C’était assez déstabilisant pour moi de voir ma famille sur grand écran, interprétée par des acteurs. D’habitude, je suis plutôt habituée à des reportages et documentaires tournés sur le vif. Du coup, le côté fiction m’a un peu perturbée.
Mais le film est bon, les acteurs ont été bien choisis et l’approche est réaliste. C’est avant tout une histoire humaine que Jérôme Salle met en lumière. Il a réussi à outrepasser la légende, en racontant le parcours d’un homme, avec ses qualités et ses défauts. Le portrait est fidèle.
Justement, le film n’est pas une hagiographie mais un biopic fidèle, montrant les parts d’ombre du Commandant. Y avez-vous retrouvé l’âme et l’esprit de votre grand-père ?
En partie. Il ne faut pas oublier que j’étais une petite-fille à l’époque. Je voyais mon grand-père différemment de l’homme public qu’il était. J’avais une autre relation d’intimité avec lui.
Le film montre parfaitement le côté passionné de mon grand-père avec tous les défauts qui en découlent. On est tous des êtres humains avec nos atouts et nos failles. On essaie toujours d’idéaliser les Légendes mais dès qu’elles montrent des fissures, on les brise. Il ne faut pas oublier que derrière les Légendes, il y a des Hommes.
Crédit photos : Céline Cousteau
L’Odyssée nous permet de découvrir Simone Cousteau, votre grand-mère. Quelle image gardez-vous d’elle ?
C’était une femme forte qui menait le bateau et le combat. C’était elle le vrai Capitaine de La Calypso, comme disait mon grand-père. Le public ne la voyait jamais car elle ne voulait pas être filmée. Ce qui l’animait, c’était la passion, la mer, le bateau… Quand « la bergère » était là, comme la surnommait l’équipage, tout filait droit. Ils avaient un grand respect pour elle. Elle était tout à bord.
Le film met également en avant la transition entre deux mondes, celui de Jacques-Yves, insouciant explorateur, et celui de Philippe, tentant de sensibiliser son père. Quel regard portez-vous là-dessus ?
J’ai l’impression qu’il y a un mouvement en route avec une prise de conscience du grand-public sur la nécessaire préservation de l’environnement. Les gens ont compris qu’on était au centre. On ne peut pas s’en détacher. Malheureusement, le chemin le plus facile est celui de l’inconscience. C’est elle qui nous fait accepter les fourchettes ou pailles en plastique qu’on nous donne. L’ennemi de l’environnement, c’est la facilité de la consommation. Refuser ça demande un effort, qu’on n’est pas toujours prêt à faire. Pourtant c’est l’addition d’actes individuels qui changeront les choses.
L’effet domino est essentiel. Si chacun à notre niveau, on modifie notre comportement, le monde pourra évoluer. Tout naît d’une prise de conscience. Une fois éclairé, on se doit de faire écho auprès de notre communauté, de nos amis, de notre famille pour les inciter eux-aussi à changer.
L’ennemi de l’environnement, c’est la facilité de la consommation. Refuser ça demande un effort, qu’on n’est pas toujours prêt à faire.
A la fin de sa vie, votre grand-père a eu une prise de conscience écologique à travers notamment son action pour la protection de l’Antarctique. Quel est votre regard sur cette évolution ?
Le film se conclue sur la prise de conscience du Commandant en Antarctique. Il comprend alors qu’il a passé sa vie à vouloir explorer le monde alors que l’urgence, c’était de le protéger. Il a donc commencé à se battre pour les générations futures, comme à Rio en 1992. Je pense que c’est ce message clé, transmis au niveau international, que le public retient. Quand je voyage pour mes conférences, les gens me disent « j’ai grandit avec votre grand-père et il m’a inspiré pour devenir biologiste, océanographe, plongeur… » Il ne faut pas sous estimer le pouvoir d’une personne pour influencer toute une génération. Maintenant, il faut continuer l’histoire. En tant que Directrice et productrice de documentaires, j’essaie pour ma part de ne pas seulement montrer ce qui ne va pas. Je souhaite surtout de mettre en avant l’unification de l’être humain vers un futur commun.
L’Équipe Cousteau a trouvé des mécènes pour rénover La Calypso. Que pensez-vous de ce chantier ?
Mes grands-parents disaient que si un jour La Calypso ne pouvait plus naviguer, il faudrait la laisser partir. C’est un bateau en bois et je pense qu’aujourd’hui, il n’y a même plus ça. Le navire, tel qu’on l’a connu, n’existe plus. C’est notre nostalgie qui veut le faire revivre. Mais La Calypso, il faut surtout la garder dans notre cœur, comme une légende car, même si elle renavigue un jour, ce ne sera plus La Calypso. L’époque du Commandant et de ma grand-père est terminée. Il faut aller de l’avant. Le plus bel hommage qu’on pourrait lui rendre, serait d’organiser une grande cérémonie d’au revoir en la remerciant pour tout ce qu’elle nous a permis de découvrir.
De votre côté, vous avez créé une société de production et vous réalisez des films sur le travail des ONG à travers le monde comme en Amazonie brésilienne où vous racontez leur histoire. Quel est votre message ?
Le message clé est de montrer que là où il y a des problèmes, il y a des gens qui essaient de les résoudre. Là, où il y a un combat, il y a des guerriers. J’ai besoin de garder un côté positif et je le retrouve dans l’être humain.
CÉLINE COUSTEAU
Exploratrice et Documentariste
www.celinecousteau.com