Vous êtes actuellement sur scène aux côtés d’Alexandre Brasseur dans « Un grand cri d’amour », une pièce écrite par Josiane Balasko. Qu’est-ce qui vous a séduite dans cette comédie, et comment s’est passée la collaboration avec Alexandre Brasseur sur ce projet ?
Catherine Marchal : Nous n’avions jamais eu l’occasion de travailler ensemble avec Alexandre même si nous nous côtoyons et nous apprécions depuis plusieurs années. Quand Eric Laugerias nous a proposé ce projet l’idée d’être sur scène avec lui a été une des raisons qui m’ont séduite. En le découvrant dans le travail je me rend compte après coup que nos deux caractères très entiers auraient pu potentiellement ne pas s’accorder, mais c’est heureusement tout le contraire, nos forces s’additionnent. Nous sommes très différents dans l’approche de la comédie et à la fois parfaitement complémentaires et sur scène notre complicité est un véritable atout. On ne truc rien, on ne triche pas, on se donne à fond en toute confiance et je pense le public le ressent.
Vous partagez actuellement la scène avec Catherine Marchal dans « Un grand cri d’amour ». Qu’est-ce qui vous a plu dans cette comédie, et comment se déroule votre collaboration ? (Sourire)
Alexandre Brasseur : Ce qui me plaît le plus dans «Un Grand Cri D’amour», c’est que c’est une comédie qui n’en est pas une. Derrière les mots, derrière les rires et les situations, se joue un drame. C’est une tragédie inversée. Une histoire d’amour qui tourne mal. Ce ne sont pas juste des portes qui claquent ou des amants dans le placard. Bien au contraire. C’est donc extrêmement agréable à jouer. La pièce n’a l’air de rien, mais elle est profonde. Pour des acteurs et à plus forte raison pour le théâtre, c’est fondamental. Cela permet de ne pas se lasser et de trouver du plaisir à chaque représentation. Si l’on veut pouvoir jouer longtemps, c’est primordial.
La collaboration avec Catherine est capitale. Catherine est une actrice réfléchie, qui travaille beaucoup et qui se rend totalement disponible à ce qu’il se passe sur scène. Elle sait saisir l’instant et se l’approprie. De ce point de vue-là, on se ressemble beaucoup dans notre manière de travailler. Elle sert le projet, le texte et la mise en scène, et non uniquement sa propre personne. Elle joue le collectif. Nous sommes une équipe, il en est de même pour Jean-Marie et Fred qui nous accompagnent dans cette aventure.
Dans la série « Brocéliande » sur TF1, vous incarniez une tueuse, un rôle très différent de ceux du côté de la loi. Aimez-vous jouer ce type de personnage plus sombre ?
C.M. : J’ai joué beaucoup de personnage sombres mais plutôt du bon côté de la loi. Cette fois je franchi la ligne jaune. Ce personnage de tueuse sans état d’âme apparaissant comme une mère et une épouse parfaite, c’est ce qui était intéressant à jouer. Ne rien dévoiler de l’issue de l’histoire tout en gardant à l’esprit à chaque scène que cette femme n’est pas celle que l’on croit. Trouver la juste dose d’ambiguïté c’était ça le vrai challenge.
Décrivez-nous votre personnage Hugo Martial, comédien à succès qui tente de relancer sa carrière. Quels sont vos points communs avec lui ?
A.B. : Les points communs avec mon personnage sont nombreux. Je pense d’ailleurs que cela n’est pas propre à ma personnalité, mais plus au métier d’acteur et aux angoisses qu’il peut susciter. Être un intermittent du spectacle n’est pas chose aisée, contrairement aux idées reçues. Évidemment, les gens ne voient que ce qui dépasse des médias sans avoir conscience des doutes, de l’isolement, de la sensation d’abandon et surtout de la dépendance au désir des autres qui peuvent vous tenailler. On peut avoir tout le talent du monde, avoir fait les meilleures écoles, être dans la force de l’âge et ne pas travailler. Cela crée parfois un grand désarroi chez certaines et certains. Donc oui, je me retrouve dans le caractère de ce personnage comme je le retrouve encore parfois chez la plupart de mes partenaires au détour de mon expérience professionnelle.
Y a-t-il un rôle en particulier que vous rêvez encore d’interpréter ?
C.M. : J’aime incarner des personnages qui ont vraiment existé. Raconter la vie des vrais gens ça relève parfois autant d’une mission que d’une simple interprétation. On a le devoir de transmettre une parole et de ne pas la trahir. Je pense à Erin Brockovich ou plus récemment à Kate Winslet qui interprète Lee Miller. (Et oui, je vise très haut !) De toute façon, même pour mes rôles de fiction je trouve toujours un ou plusieurs personnages réels à piller.
Vous êtes un visage incontournable de « Demain nous appartient » depuis plusieurs saisons. Comment faites-vous évoluer votre personnage au fil des années pour le garder intéressant, aussi bien pour vous que pour les téléspectateurs ?
A.B. : Effectivement, je joue dans une série quotidienne sur TF1 qui s’appelle Demain nous appartient depuis sept ans. Ce n’est pas moi qui fais évoluer mon personnage au fil des années. C’est le rôle des scénaristes. Ce sont eux qui écrivent des histoires. Ce sont eux qui tracent ce qu’on appelle les destins des personnages. Parfois, j’ai la chance qu’ils me demandent mon avis. Auquel cas, je leur fais des suggestions, mais ce n’est pas mon rôle. Je suis acteur. Un acteur est avant tout un interprète.
Ces dernières années au théâtre, vous étiez surtout metteuse en scène. Qu’est-ce qui vous a donné envie de remonter sur scène, et qui est Gigi Ortega, votre personnage ?
C.M. : Je préfère dire «Metteure en scène» c’est plus jolie que «Metteuse» même si ce salopard de Google n’accepte l’orthographe d’aucun des deux. J’ai commencé ma carrière sur les planches en enchaînant les spectacles mais je n’avais plus joué au théâtre depuis douze ans et ça commençait à me manquer. Vu le temps et l’énergie que demande un spectacle, il fallait que le projet soit vraiment enthousiasmant. Pour ne rien vous cacher je ne m’attendais pas à ce que ce soit cette pièce, j’avais un autre projet en tête, une magnifique pièce d’AlainTeulié à quatre personnages, mais «Un Grand Cri D’amour» est venu percuté tout ça. Jouer Gigi Ortega, un rôle crée par Josiane Balasko était un pari un peu fou. C’est un personnage fort et coloré, une caricature d’actrice qui s’accroche à une notoriété qu’elle a perdu. Elle est pathétique et touchante, grotesque et charismatique à la fois. Elle en fait des tonnes mais on l’aime quand même c’est ce qui est génial à jouer.
Y a-t-il un rôle ou un genre que vous n’avez pas encore exploré et qui vous tente particulièrement ?
A.B. : J’ai la chance d’être un acteur transversal. Je passe aussi facilement de la scène à l’écran. Je suis donc particulièrement gâté, et notamment cette année, entre tournage et tournée. Il y a néanmoins un genre que j’affectionne mais que je n’ai pas eu l’occasion de pratiquer depuis Emma Bovary, avec Laurence Stocker, c’est le film d’époque. Parce que les dialogues sont plus pointus, plus difficiles à mettre en bouche, et surtout plus éloignés des dialogues quotidiens des productions contemporaines. Il y a aussi un aspect plus ludique qui me plaît énormément. Les costumes, on a vraiment la sensation de se déguiser. Bien souvent, il y a aussi des postiches : faux cheveux, fausse barbe, moustache, etc. Tout cela rend le travail particulièrement créatif et joyeux.
Nous aurons également le plaisir cette année de vous voir dans la fiction de France 2
« L’Art du crime ». Que pouvez-vous nous dire sur votre rôle ?
C.M. : Encore un beau cadeau que ce personnage d’Auteure ultra célèbre et à la fois complètement déconnectée du monde, ce qu’elle écrit est catastrophique, des romans fleuves sans aucun intérêt littéraire mais qui se vendent comme des petits pains. Après avoir été victime dans le premier épisode, elle va s’imposer dans le deuxième, comme observatrice-enquêtrice collée comme une sangsue aux deux héros. Ce tournage a été un amusement du début à la fin, entourée de partenaires bienveillants et talentueux (Eléonore Bernheim, Nicolas Gob, Salomé Partouche, Philippe Duclos, Alex Pardo) sous la direction d’une réalisatrice hyper inventive et perfectionniste Floriane Crepin, deux ingrédients avec lesquels je fonctionne parfaitement bien.
Vous êtes plutôt du type action ou réflexion ? (Rires)
A.B. : Je ne suis ni action ni réflexion. Je suis à la fois l’un et l’autre. Concernant mon travail, je serai plutôt lecture puis réflexion ensuite action. Pour faire simple, je lis, j’analyse, je réfléchis, je rêve et puis je passe à l’action. Et là surtout, j’essaye d’oublier toutes mes réflexions pour n’être concentré que sur mes partenaires. Tu me parles, je te réponds…
Que pourriez-vous souhaiter à nos lecteurs du LiFE Magazine ?
C.M. : Déjà de venir nous voir au théâtre dans «Un Grand Cri D’amour» !
Entendre le public rire est un des plus beaux cadeaux de ce métier. On sait tous que rire le plus souvent possible à un merveilleux impact sur la santé. Il combat le stress, réduit les douleurs, il réduit même la tension artérielle et augmente l’espérance de vie. C’est ce qu’on peut souhaiter de mieux à quelqu’un. Alors riez ! Au théâtre ou ailleurs. Riez! Autant que vous respirez.
A.B. : Chère lectrice, cher lecteur de Life, je vous remercie d’avoir pris le temps de lire ce papier et j’espère vous retrouver au théâtre, près de chez vous