Antoine de Caunes Cultissime !

Journaliste, acteur, réalisateur et homme de culture, Antoine de Caunes traverse les époques sans jamais perdre sa curiosité ni son humour singulier. De « Nulle Part Ailleurs » à « La vie rêvée d’un enfant du rock », en passant par la direction du magazine Vieux, il continue de surprendre et de questionner son époque avec une liberté de ton rare. Rencontre avec une figure emblématique du paysage audiovisuel français, qui n’a jamais cessé d’explorer, créer et de transmettre.

Depuis le lancement du magazine Vieux en 2024, vous célébrez une vision positive et décomplexée de la maturité. Un an après, quel regard portez-vous sur cette aventure éditoriale ?

On a lancé ce magazine comme on jette une bouteille à la mer. Pas d’étude de marché, pas de tableau Excel, juste une intuition qu’il nous manquait, à nous qui sommes dans le coeur de cible, comme ils disent, un journal qui parle légèrement de choses graves auxquelles nous sommes – ou serons – tous confrontés un jour : l’âge, la vieillesse, l’approche de la fin. En fait, on s’est contenté de prendre au pied de la lettre la maxime de Desproges : « Vivons heureux en attendant la mort » !

Canal+ vous consacre une série-documentaire intitulée « La vie rêvée d’un enfant du rock ». Qu’est-ce qui vous a donné envie de revenir sur votre propre parcours à travers ce projet ?

Ce n’est pas un projet initié par moi, comme vous l’imaginez bien. Enfin…j’espère. Mais ce fût l’occasion d’une petite promenade dans une memory lane que je fréquente peu, étant plus tourné vers demain que vers le passé. Et une revisite des quarante dernières années en croisant des histoires de musique, de télévision, de cinéma et d’autres choses encore. Je suis le fil conducteur de l’histoire. Un fil électrique, bien sûr…

Après plus de quarante ans de carrière entre télé, cinéma et presse, qu’est-ce qui guide encore vos choix de projets aujourd’hui ?

La curiosité, l’envie de m’aventurer sur des terrains où « la main de l’homme n’a encore jamais mis le pied », comme l’écrivait Ponson du Terrail. Ou de revenir sur des expériences que j’envisage d’attaquer autrement, fort de mes expériences précédentes. Ecriture, essais, bd, réalisation, jouer la comédie…j’ai encore mille choses à faire, mille aventures à tenter.

Vous avez décrit votre parcours comme « une succession d’accidents heureux ». Avec le recul, diriez-vous que cette imprévisibilité a façonné votre liberté ?

Absolument. C’est l’absence de tout plan de carrière qui m’a sauvé. Je fais un métier où il faut se laisser porter, rester ouvert aux opportunités, même celles qui vous emmènent, à première vue, loin de votre port d’attache. C’est un voyage aventureux et palpitant, certainement pas un long fleuve tranquille, mais extrêmement stimulant.

À 71 ans, vous semblez plus actif que jamais. Comment parvenez-vous à entretenir cette énergie et cette curiosité constantes ?

Je viens d’arrondir à 72, je préfère les chiffres pairs. Et je ne sais jamais comment répondre à cette question. Je crois que j’ai conservé quelque chose de très enfantin qui me fait envisager l’existence – y compris la vieillesse que j’aborde sereinement comme une longue série d’aventures. Démarrer un nouveau projet, partir d’une page blanche, je ne connais rien de plus stimulant.

Votre rapport à l’humour, souvent caustique mais toujours bienveillant, a marqué toute une génération. Comment trouvez-vous le ton juste à une époque où tout peut prêter à controverse ?

J’ai toujours eu tendance à envisager l’existence sous l’angle de la comédie, qui nous protège, fût-ce illusoirement et temporairement, de la tragédie. Tout m’amuse, je vois le ridicule et la vanité partout, et je m’en délecte. Le ton juste, aussi bien hier qu’aujourd’hui, c’est de rire avec plutôt qu’aux dépens.

Entre Vieux et vos projets audiovisuels, on sent une volonté de donner du sens et de la profondeur aux sujets. Est-ce une forme de maturité artistique ?

J’associe la profondeur à l’ivresse, et je me méfie de celle – généralement fausse – des gens qui pontifient, et parlent du haut de leur expérience pour apprendre aux autres à vivre. Disons que je m’efforce de ne pas répéter les mêmes erreurs et à ne plus perdre de temps. J’ai mesuré à quel point il était précieux.

Vous avez longtemps été associé à « Nulle Part Ailleurs », émission culte des années 90. Avec le recul, qu’est-ce que cette période a changé en vous, humainement et professionnellement ?

Tout. Elle m’a permis de libérer les chakras, de m’aventurer sur des terrains qui me semblaient intouchables, de travailler avec la meilleure équipe possible, José Garcia, Philippe Gildas, Laurent Chalumeau. L’émission était tellement en résonance avec son époque…les traces qu’elle a laissées, le bon souvenir dans la mémoire des téléspectateurs ou de ceux qui l’ont découverte par la suite via Internet, chaque jour qui passe je me réjouis d’avoir eu la chance d’être de cette aventure.

Et si vous deviez imaginer votre prochaine aventure, un film, une série, un livre, quelle serait-elle ?

Le film et le livre sont en cours. Mon plus grand rêve serait d’adapter en série un roman – l’un de mes préférés – de Robert Louis Stevenson, « Le Maître de Ballantrae ». C’est un projet un peu fou, qui se déroule dans l’Ecosse du XVIIIème siècle, se promène en Inde, puis sur les mers avec des histoires de pirates et se conclut dans les forêts d’Amérique du Nord, au milieu des guerres indiennes. Ce livre me hante depuis toujours…

Que pourriez-vous souhaiter aux lecteurs du LiFE Magazine ?

De lire les mémoires de Keith Richards qui portent le même titre. Et de profiter de chaque instant de cette fameuse vie. La vie est belle !