On ne présente plus l’acteur baroudeur Tchéky Karyo au registre impressionnant.
En presque 50 ans de carrière, il a enchaîné de multiples succès aussi bien en France qu’à l’international, que cela soit dans l’Ours, Nikita, Bad boys, Patriote ou encore Jeanne d’Arc , il alterne entre grosses productions et films d’auteur.
Rencontre avec cet acteur aux multiples talents.
Vous avez une longue et belle carrière de comédien, au théâtre et au cinéma, quel est le film ou la pièce que vous seriez prêt à rejouer ?
Mon parcours d’acteur est sculpté par toutes ces créations qui ont jalonné cette merveilleuse aventure par laquelle je fus happé il y a maintenant de nombreuses années. Il est difficile pour moi de dire quelle est la pièce de théâtre, le film de cinéma ou de télévision qui m’ont le plus marqué. Toutes ces aventures ont pour des raisons qui leurs sont propres des résonances particulières. Jouer dans des formes et des genres différents ;
dans des langues étrangères comme l’Espagnol, l’Anglais, l’Hébreux, l’Allemand ou l’Arabe sont des challenges qui sont exceptionnels, avec à la clef des voyages à travers le monde à la découverte de cultures qui ont nourri toutes ces années démentes que j’ai vécues.
Durant votre carrière, quelle rencontre vous a le plus marquée ?
Mon épouse, qui a su partager cette énergie débordante qui m’anime sans chercher à troubler ce flux qui rend possible une créativité spontanée et dans l’urgence. Elle a une dimension intérieure puissante, elle réussit a dominer ses émotions pour ne pas être victime des rôles qu’ici ou là certains aimeraient nous faire jouer sans même le plus souvent s’en rendre compte. Chaque jour est une leçon ; elle a rendu possible une famille que jamais plus je ne pensais possible ; nos enfants sont une joie de tous les instants. Les instruire en leur donnant les armes pour qu’ils soient capables de vivre une vie en équilibre avec toutes les contradictions de la vie sauvage en société…
Quelle est l’anecdote la plus drôle, la plus surprenante que vous ayez vécue sur un tournage ?
Des éclats de rires en complicité avec Luc Besson et toute l’équipe sur Jeanne d’Arc pendant que je me bagarrais pour garder mon cheval en place qui m’empêchait de rester dans un gros plan alors que contre vents et marées je voulais garder ma tête dans le cadre pendant que le cheval s’échappait.
Frôler l’accident sur Bad Boys alors que je sortais d’un avion avec une Cobra…Dans « Le Moine et la Sorcière », Jean Carmet avec qui je joue, est un prêtre, je suis un moine, nous sommes dans une Chapelle il doit m’absoudre ; avec cet air chafouin et drôle Il dit son texte tranquillement avec sérénité et plein de sous entendus fusent derrière les mots du prêtre il nous embarque dans un délire. Et beaucoup d’autres encore…
Dans quel genre de film préférez-vous jouer : une comédie romantique (Addicted to love), un film policier (Crying Freemann Les Lyonnais), historique (Christophe Colomb, Molière…). Quel type de personnage aimez-vous incarner ?
La recherche de l’équilibre mène mon existence, alors naturellement mes choix vont vers une multitude de genres et de styles. Je suis prêt à affronter des projets de formes et de natures variées. Je ne pourrais pas vivre enfermé dans une chapelle. La comédie m’a manqué longtemps, mais aujourd’hui une génération talentueuse qui a grandi avec les films que j’ai faits et qui en garde souvent des souvenirs émus et amusés, me font des propositions sur des films ou l’humour et l’absurde donnent à voir des personnages pris au piège de leur image. Au Théâtre j’ai eu beaucoup de plaisir a jouer les personnages populaires meurtris qui se bagarrent avec le réel alors qu’ils sont encore plein de l’enfance et dont la naïveté et l’humour « à l’insu de leur plein gré » (sourires), nous sauvent de la déprime et nous donnent une chance de réfléchir. Au cinéma les némésis, les méchants pris dans leurs contradictions et qui font entendre secrètement leur récit intérieur…
Vous êtes d’origine turque, vous parler plusieurs langues, avec laquelle vous vous sentez le plus à l’aise pour jouer la comédie ? ou pour chanter ?
Toutes ces langues pour la plupart sont apprises par osmose ; les rythmes et la densité qui les caractérisent vivent en moi, elles vibrent dans la joie de s’exprimer. Alors je chante dans plusieurs langues ; je suis ouvert aux projets qui m’emmènent dans ces univers.
Si vous n’aviez pas choisi d’appartenir à la grande famille du cinéma, vers laquelle vous seriez vous dirigée ?
« Il faut gagner sa vie » – « Il faut que tu aies un endroit où mettre ta tête… » ;
ce sont des slogans que mon père qui ne connaissait pas les nouvelles pédagogies nous enjoignait de suivre. (Sourires)
Il insistait beaucoup sur la nécessité de se bagarrer pour subvenir à ses besoins. Alors j’ai fait des études de gestion, « pour gagner ma vie » et le rassurer car il transpirait beaucoup pour gagner la sienne ; mais très vite ma passion de raconter et de vibrer avec les gens m’ont rattrapé.
Alors je n’ai plus pensé à gagner ma vie, mais a vivre ma vie. Toutes les voix de l’expression artistique ont alors susurré dans mes oreilles le conseil de dédier mon avenir à leurs sirènes.
Vous vous êtes lancé dans la musique en 2006, vous êtes chanteur, et musicien, vous faites des concerts et vous avez sorti 2 albums. Pourquoi et comment avoir choisi de jouer de la guitare ? (En Californie lors d’un tournage.) La musique et le cinéma sont-ils complémentaires à votre équilibre ?
Oui j’ai commencé très tard à jouer de la guitare ; c’était un désir d’enfant jamais comblé. Les vibrations de la musique ont déclenché un plaisir qui m’a toujours étonné, alors l’envie de le partager s’est vite imposé.
La musique m’accompagne au quotidien et dans mes escapades avec les personnages.
Vous aimez les séries, vous en regardez, vous jouez-dedans (comme « Baptiste », la saison 2 a été vendue dans +180 pays ou « Les Combattantes » sur TF1 ). Aujourd’hui, ces nouveaux formats et ces plateformes qui offrent des programmes de qualité, avec des réalisateurs et des comédiens reconnus sont-ils devenus incontournables ?
D’une certaine façon oui elles/ils deviennent incontournables, elles/ils offrent des supports et de la visibilité, de grands réalisateurs/ices y viennent.
Ne risquent-ils pas de tuer le cinéma ? Je ne crois pas, la serie depuis longtemps est un véhicule qui permet une créativité. Le Cinéma, la Télévison, et la Serie sont des supports dont les outils sont les mêmes, les profils économiques sont différents. C’est la créativité des artistes qui fait la différence. On ne pourra pas tuer le Cinéma on a pas tué le Théâtre…
Avec quels réalisateurs et acteurs, rêveriez-vous de jouer ?
Les réalisateurs.ices avec qui j’ai travaillé étaient pour la plupart dans « My Dream List » et j’ai découvert d’autres réalisateurs.ices qui m’ont embarqué avec lesquels j’ai aimé mettre les gants avec certains, dansé avec d’autres.
Aujourd’hui je suis heureux d’être appelé par de jeunes réalisateurs/ices.
Le 16 novembre 2022, sort « Une comédie romantique » réalisé par Thibault Segouin, avec Alex Lutz et Golshifteh Farahani, quelle expérience en retenez-vous ?
La joie de continuer cette rencontre avec ces nouvelles générations dont je vous parlais ; rêver d’autres projets avec eux, continuer à ne pas me fossiliser.
Avez-vous un rêve que vous souhaiteriez accomplir ?
Il se réalise chaque jour à chaque instant…
Que pourriez-vous souhaiter à nos lecteurs du LiFE Magazine ?
Avoir la santé et ne pas perdre de temps avec des gens encombrés de passions tristes, qui vous tirent vers le bas et projettent sur vous leurs problèmes…