Journaliste, ancienne membre du CSA de 2009 à 2015, auteure de plusieurs ouvrages dont le dernier sorti aux éditions cherche Midi « Libertés sans expression », Christine Kelly anime aujourd’hui « Face à l’info » sur CNews, une émission de débats qui fait autant de buzz que d’audience. Rencontre avec une femme solaire et déterminée.
Le point crucial et décisif de l’écriture de votre livre a été le jour où l’on a mis à votre disposition deux gardes du corps en raison des menaces que vous aviez subi.
Quand votre vie a-t-elle vraiment basculée ? Ce jour là précisément ?
Comment peut-on imaginer une journaliste en France, pays de la liberté d’expression, être encadrée par deux hommes pour la protéger parceque qu’elle fait son métier ? Oui, cela a été une prise de conscience salutaire qui a suscité ma réflexion. Je n’ai eu aucune prise de position, aucun mot contre qui que ce soit, personne ne connaît mes avis politiques mais je suis devenue à la fois un objet journalistique non identifié (ne donne pas son avis), à la fois une combattante, une résistante, un symbole…Tout cela parceque je fais mon métier, et que j’applique la loi française. La liberté d’expression fait partie de notre culture et de notre identité française, et de notre construction intellectuelle.
Votre livre, « Libertés sans expression » est un témoignage inquiet et lucide sur l’état du débat public en France, pensez- vous que cet état de fait que vous dénoncez fera avancer les mentalités dans le futur ?
Je n’ai aucune prétention à me sentir capable de faire avancer les mentalités. Je veux simplement témoigner de mon expérience, allumer une petite lumière, susciter l’interrogation. Dès que quelqu’un ou un organisme veut faire taire, il faut se poser des questions. Dès lors qu’on veut interdire, supprimer, anéantir quelqu’un pour ce qu’il dit, ou pense, il faut s’interroger. Au CSA mon credo était déjà « convaincre plutôt que contraindre » en me battant pour ne pas supprimer des publicités pour du Nutella mais pour convaincre que c’est le comportement alimentaire face à celui-ci qui est dangereux, pas le produit en lui même. Je me suis heurtée à beaucoup de politiques qui voulaient supprimer la publicité, c’était plus simple, c’était plus facile, plus médiatique. En voulant supprimer ce qu’on ne veut plus voir autour de nous, croyant faire le bien, on inhibe ses propres capacités de réflexion, de décision. Arrêtons l’infantilisation ! Ouvrons nous aux autres que nous soyons d’accord ou pas. Discutons, avançons ensemble !
Comment avez-vous abordé cette rentrée sur cnews suite à la sortie de votre livre ? Est-ce que plus que jamais vous désirez aborder des sujets cruciaux, voir épineux et en débattre pour défendre cette liberté que vous revendiquez et qui vous est si chère ?
La chaîne est la définition même de la Liberté et nous abordons tous les sujets, même ceux qui gênent. Cette rentrée sur Cnews pour moi est la rentrée de la consolidation et de l’introspection. Nous continuons avec la nouvelle équipe, nous restons dans notre créneau, celui de prendre les téléspectateurs pour des personnes qui réfléchissent, tout en poursuivant sur tous les sujets que ce soient sur l’économie, l’histoire de France, l’international, ou la politique intérieure. L’émission La Belle Histoire de France s’achève en cette fin d’année. Nous avons voulu aborder l’histoire de France, de la Gaule à De Gaulle et les chapitres restent tous disponibles sur le site cnews.fr
Rien ne semble vous perturber ! (Sourires). Quel est votre secret pour rester si calme et sereine à l’antenne ?
C’est le premier mot qu’a prononcé Serge Nedjar quand il m’a confié l’émission : « Vous êtes calme ». Gérald-Brice Viret qui a suggéré mon nom et m’a choisi, me connaît depuis près de 25 ans, mon caractère mes forces et mes faiblesses. Calme est le premier mot que les téléspectateurs me déclarent lorsque je les rencontre. Ils me disent en général qu’ils souhaitent souvent l’être eux aussi. Je ne suis évidemment pas toujours zen, il faut savoir aussi grincer des dents. En général je cultive le calme sur le plateau car je me sens moins à l’aise dans les bagarres, les disputes, les cris inutiles, j’aime lorsque le téléspectateur entend, comprend, analyse. Je cherche à cultiver ma paix intérieure et le calme sur le plateau car finalement est-ce que le désaccord ce n’est pas être sur un autre accord ? Il faut le trouver.
Quels seraient les deux adjectifs qui vous caractériseraient le mieux ?
Altruiste. Je suis toujours tournée vers l’autre c’est une seconde nature. J’aime aider, donner, je n’aime pas voir les gens en souffrance, j’aime être à l’écoute des autres. Cela permet de se remette en question et de savoir qu’on est peu de chose. Être tourné uniquement vers soi fait passer à côté de personnalités incroyables, de moments merveilleux, et fait croire que le monde tourne autour de soi alors qu’en réalité le monde tourne avec ou sans nous.
Déterminée. J’ai toujours été quelqu’un qui décide, qui ose, qui agit, qui tient parole, qui revient rarement en arrière. Cela peut être un plus, mais cela peut être également un handicap. Je fais avec mes forces et mes faiblesses pour jongler avec les circonstances de la vie. Têtue est la face négative de déterminée.
Les adjectifs que je cultive sont : « responsable » et « humble » afin d’être 100 % responsable dans l’erreur, et humble dans la réussite.
Comment percevez-vous la place de la femme au sein des médias ?
Quoi que l’on dise et en dehors de toute idéologie, une femme doit faire plus d’efforts pour avancer dans la vie professionnelle. C’est vrai, dans les médias, dans beaucoup d’autres secteurs et dans la société en général. Il y a toujours un apriori d’hystérie chez une femme qui hausse le ton, (même si c’est justifié) et on cherche toujours consciemment ou inconsciemment l’homme derrière la femme qui lui a permis de réussir. Une femme dans les médias est en général moins bien payée qu’un homme. Moins crédible, moins professionnelle. Dans le groupe avec lequel j’ai choisi de travailler après mon mandat au CSA, j’ai pris en compte ces critères pour y entrer sur la pointe des pieds. Canal plus est très attentif à la place des femmes.
Est-ce-que l’écriture pourrait devenir votre unique passion? Seriez-vous prête à tout laisser tomber pour vous y consacrer pleinement ?
Non. L’écriture est une passion mais pas une vocation. L’écriture est un exutoire mais pas obligatoire. « Dans les temps de tromperie universelle, dire la vérité devient un acte révolutionnaire » phrase que j’adore reprendre et qui explique bien pourquoi j’ai voulu dire ma vérité, et la vérité sur les lois, sur la liberté d’expression. C’est important de se poser de prendre le temps et d’exprimer ses idées. Mais je ne pourrai pas vivre de mes livres. Même si j’étais payée pour écrire je crois que je m’appliquerai toujours à avoir plusieurs fonctions. J’aime être multi tâches, une fonction nourrit l’autre.
Qu’est-ce qui vous met de bonne humeur pour démarrer une journée ?
La naissance de la journée vient avec tous ses espoirs. Le soleil se lève chaque matin, après la tempête vient toujours le beau temps, et les espoirs se renouvellent avec le début de la journée. La nature est là, fidèle, les arbres sourient, les oiseaux chantent, nous avons quasi l’assurance d’avoir 24 heures à gérer comme on le souhaite ou presque, et je trouve que la possibilité de pouvoir faire mieux qu’hier est un bonheur. Chaque jour je me réveille avec l’idée que je peux l’améliorer sur un point, aussi minime soit-il, et cela me rend heureuse.
Vous avez une petite fille de 7 ans, n’est-il pas compliqué de concilier sa vie de maman et ses obligations télévisuels ?
Depuis bientôt 13 ans, je travaille avec mon association que je ai créé pour les familles monoparentales et depuis que je les ai rencontrées je me suis interdit de me plaindre. Je pense à ces femmes et hommes qui élèvent seuls leurs enfants tous les jours. Courir, joindre les deux bouts, tout faire en une journée avec comme unique carburant l’amour qu’on a pour son enfant. Alors parfois je tombe, parfois je piétine, parfois je suis essoufflée mais jamais je ne me plains, j’avance et en entraînant avec moi des parents solo.
Que pourriez-vous souhaiter aux lecteurs du LiFE magazine pour cette fin d’année ?
Comme le dit Sénèque, « Tire ton espoir de ton désespoir ». Là où croit le danger là aussi se trouve la solution qui te sauve du danger.
Je souhaite aux lecteurs du LiFE un optimisme débordant et rayonnant, à l’heure où on peut regarder le monde qui va mal, à l’heure où la peur peut nous envahir, de transformer sa peur en pouvoir.