Anne-Sophie Pic

Anne-Sophie Pic Rencontre

La cuisine est chez vous une histoire de famille puisque votre arrière grand-mère, votre grand-père et votre père ont marqué la gastronomie française. Etait-ce difficile de reprendre le flambeau ?
Je ne pense pas avoir été écrasée par l’aura et l’héritage de mon père et de mon grand père même si au début j’avais vraiment peur de mal faire. « L’expérience ne se transmet pas ou pas totalement, elle s’acquiert. » Cette parole sage de mon père qu’il m’a souvent dite avant son décès, m’a longtemps guidée et m’a donné du courage et de la patience dans l’apprentissage de mon métier. Depuis je ne cesse de vouloir progresser, je ne suis jamais totalement satisfaite de mon travail, cela me pousse à avancer.
Ce métier demande beaucoup de travail, d’investissement personnel, de volonté et de persévérance. Il ne faut pas avoir ni d’idées arrêtées ni de certitude, mais un juste équilibre entre la confiance en soi et le doute ; l’un permet d’affirmer un style, l’autre d’avancer.

En 2007, vous êtes devenue la seule femme française à obtenir trois étoiles Michelin, récompense à laquelle est venu s’ajouter le titre de Meilleur Femme Chef du Monde en 2011. Comment avez-vous vécu ces consécrations ?
C’est une grande reconnaissance et cela ajoute un peu plus de pression pour maintenir le niveau d’excellence auquel j’aspire. C’est une remise en cause permanente.

Vous formez depuis plus de 20 ans, un duo gagnant avec votre époux, David Sinapian, aux commandes de l’entreprise. La cuisine est-elle finalement une épopée qui se partage en famille ?
La Maison Pic est une entreprise bicéphale, j’ai le plaisir de travailler avec mon mari, David Sinapian depuis plus de 20 ans. Nous sommes très complémentaires, pour moi la création culinaire, pour lui, la gestion de l’entreprise et la stratégie de développement.

Crédit photos : Anne-Sophie Pic

Vous êtes autodidacte, guidée par votre intuition et vos émotions. En quoi ce parcours atypique a-t-il été un atout ?
Effectivement, après des études de commerce et des stages à l’autre bout du monde, j’ai choisi de rentrer à Valence et j’ai dit à mon père que je souhaitais entrer en cuisine. C’est ce que j’ai fait au début des années 90. Je pense qu’un cuisinier à la tête de son restaurant doit comprendre les enjeux économiques et maîtriser la gestion entre autres. Pour être un bon cuisinier, il n’y a pas de secret, il faut travailler encore et toujours, donner le meilleur de soi-même, cultiver sa différence, suivre son intuition et faire preuve d’humilité.

Plus qu’un plat signature, c’est votre sensibilité à fleur de peau qui caractérise votre cuisine. Comment arrivez-vous à transmettre des émotions dans un plat ?
Je crois que l’important c’est d’être le plus sincère possible dans ce qu’on entreprend. J’aime cuisinier, je suis venue à la cuisine par choix, après avoir obtenu mon diplôme d’école de commerce. Et j’ai beaucoup fait appel à mon intuition pour construire mon identité culinaire. Mes créations sont donc le reflet de qui je suis, de mes recherches et de mes doutes aussi. J’explore la quintessence des goûts, la puissance et la complexité aromatiques. Mes créations sont comme des partitions musicales : chaque note peut répondre et prolonger une autre et participer à l’harmonie d’ensemble.

Vous avez créé en 2008, votre propre école de cuisine, Scook. Quelle a été votre motivation ?
Pour Scook, j’avais envie de partager et de transmettre le goût de cuisiner. Cette école s’adresse aux adultes et aux enfants. Avec mon équipe, nous avons élaboré un programme de cours qui puisse satisfaire toutes les envies, selon le temps disponible, selon le niveau de chacun.

Votre cantine gourmande fait fureur à Valence, avez-vous le projet d’ouvrir d’autres Daily Pic, dans d’autres villes ?
Daily Pic, c’est la cantine de qualité telle que je l’ai toujours imaginée. Des petits plats frais à base de produits de saison, cuisinés au plus juste de leurs saveurs dans les cuisines de la Maison Pic, avec une touche de raffinement pour rendre le quotidien encore meilleur. Ce concept de restauration rapide pourra se décliner dans le futur, nous y réfléchissons.

Cinq restaurants, un hôtel, une cantine gourmande, une épicerie, une école de cuisine, l’ouverture d’un nouveau restaurant « La Dame de Pic » au sein du Four Seasons Hotel London pour début 2017… Où trouvez-vous le temps de gérer toutes vos affaires ?
Le challenge me motive ! Aujourd’hui, la bonne marche des restaurants de Valence, Paris et Lausanne m’offre le temps de préparer l’ouverture de mon établissement à Londres. En somme, je pense que l’on se sent souvent incapable de réaliser certains projets et puis, au fond, on finit toujours par trouver le temps ! Mais tout ceci ne serait possible sans le soutien de mon mari, David, qui dirige le Groupe Pic.

Dans ce métier, qu’est-ce qui vous comble le plus ?
Donner de l’émotion à mes convives, faire plaisir, rendre leur expérience au restaurant la plus mémorable possible. Le métier de cuisinier est un métier de passion.

Après autant d’années derrière les fourneaux, prenez-vous toujours autant de plaisir à cuisiner ?
Oui bien sûr car je suis dans la création. J’ai la chance de pouvoir découvrir des produits fabuleux, rencontrer des hommes et femmes passionnés par leur métier qui nourrissent mon imaginaire et me donnent de l’énergie.

Donner de l’émotion à mes convives, faire plaisir, rendre leur expérience au restaurant la plus mémorable possible. Le métier de cuisinier est un métier de passion.

De nouveaux projets pour 2017 ?
L’ouverture de mon restaurant à Londres en février 2017.

Puisque l’aventure Pic est avant tout familiale, souhaiteriez-vous que votre fils Nathan reprenne les rennes à son tour ?
S’il le souhaite, bien sûr! Mais ce doit être son choix.

ANNE-SOPHIE PIC
www.anne-sophie-pic.com