Anne-Claire Coudray

Anne-Claire Coudray Présentatrice du JT de TF1

Dans les coulisses du JT de TF1 avec Anne-Claire Coudray

La journaliste et présentatrice Anne-Claire Coudray se confie sur le métier qui la passionne et nous livre les secrets des journaux du week-end.

Quelle est la particularité des éditions du week-end ?

L’édition du week-end permet de s’ouvrir sur des sujets autres que l’actualité économique et politique. Nous sommes dans un rythme différent de celui de la semaine, peut-être plus paisible et optimiste, notamment le vendredi avec la rubrique « Made in France » dans laquelle on valorise les entreprises françaises. On cherche à mettre en avant l’humain et les savoir-faire spécifiques. Le dimanche midi, « Le zoom » nous permet de nous évader, de privilégier les beaux paysages… Pour qui sait bien regarder, il y a toujours des trésors à découvrir. Et il n’est pas toujours nécessaire de partir a l’autre bout du monde. Le 20h du dimanche en revanche est un retour à l’actualité, il permet de s’ouvrir en douceur sur la semaine qui arrive, et de résumer les informations qu’il ne fallait pas rater durant le week-end.
Le JT est un moment de partage, et de découverte dont la vocation est de nous enrichir culturellement et de nous rendre sans doute plus tolérant. Il est comme la vie, avec des moments consacrés aux choses sérieuses, aux problèmes de société, mais aussi aux choses plus légères.

Êtes-vous consciente, au travers de l’actualité que vous présentez, que les personnes considèrent ces informations comme étant une véracité ?

Je pense que les gens ont confiance en nous, et sont conscients qu’une équipe de journalistes fait un lourd travail d’investigation et de hiérarchisation des informations. Les téléspectateurs ne retiennent pas tous la même chose d’un journal, mais ils viennent en sachant que nous leur livrons la meilleur synthèse possible et que nos informations sont vérifiées.
Lors d’évènements graves, comme les attentats ayant eu lieu en France, on va plus loin que simplement relayer l’information. Dans ces moments-là, nous sommes forcément en phase avec la société dans laquelle nous évoluons, une société sous le choc. Les téléspectateurs sont devant la télévision, traumatisés, en attente. Nous devons évoquer, et exprimer cette émotion.

Crédit photos : Anne-Claire Coudray – TF1

L’émotion est-elle un sentiment que vous cultivez dans votre journal ?

Bien sûr. L’émotion est un vecteur d’information important, mais qui doit toujours être utilisée et choisie avec responsabilité et c’est en cela que nous nous différencions des réseaux sociaux. Parler de sujets difficiles avec justesse est un exercice compliqué. Nous ne pouvons pas occulter le fait que nos téléspectateurs sont confrontés sur internet à des images violentes. Nous sommes là pour apporter un éclairage rationnel sur ces faits bruts.

Vous n’êtes pas confrontée directement à votre public. Comment entretenez-vous un contact avec vos téléspectateurs ?

Quand je suis assis sur ce fauteuil du présentateur, on peut penser que je suis seule, mais c’est loin d’être un exercice solitaire. Sur le plateau et en régie, je suis entourée de plusieurs dizaines de personnes. Et puis les téléspectateurs n’hésitent pas à se manifester ! Lorsque je dis une bêtise, ou lorsqu’un propos dérange, je reçois de nombreux mails et courriers auxquels j’essaye de répondre personnellement. Le public est très attentif. Du coup je fais très attention : le dictionnaire des synonymes est devenu mon meilleur ami, non seulement pour être le plus précis possible, mais surtout éviter les ambiguités et la confusion.

Le regard que les personnes vous portent a t-il changé depuis votre prise de fonction ?

Les gens me disent « oh, je connais ce regard » ou « on s’est déjà croisé quelque part non ? ».
C’est souvent dans un contexte où ils ne s’attendent pas à vous croiser, lorsque je prends le métro par exemple. Il est évident que le regard change mais la réaction des gens est positive et bienveillante. J’aime échanger avec eux afin d’avoir des avis constructifs qui me permettront d’adapter mon journal en fonction de leurs envies et de leurs remarques.

Pensez-vous qu’avec un monde idéal et parfait, l’information aurait toujours sa place dans notre société ?

Il y aurait toujours un besoin de découverte. Face à des sujets difficiles comme les attentats, nous avons des missions différentes. Le public a plusieurs réactions : la sidération, l’envie de comprendre, mais aussi d’appartenir à une même communauté nationale. Voir entendre et partager les mêmes choses. Notre rôle est d’accompagner la « digestion » de l’information, d’éviter la saturation qui la rendrait inaudible et d’aider le public à se sentir plus à l’aise dans le monde qui nous entoure. La culture générale est un besoin et une nécessité qui permet aussi de faire des choix dans la vie.

À l’antenne depuis 1991, quels sont les conseils que Claire Chazal vous a donnés avant de reprendre le flambeau ?

Mon arrivée a été quelque peu précipitée. Nous avons beaucoup de respect l’une pour l’autre. J’ai travaillé avec elle en tant que reporter avant de reprendre le flambeau de l’édition du weekend.
« Restes-toi même », voilà le premier conseil qu’elle m’a donné quand je suis devenue sa joker. Pas évident sur un plateau de télévision qui n’est pas un environnement naturel : Nous sommes coiffées, maquillées et habillées avec des tenues qui ne ressemblent pas toujours à ce que nous portons dans la vraie vie. (Rires). Mais nos vêtements sont très regardés, cela fait partie du jeu et il faut l’accepter.
Le second conseil fut celui d’être « sans concession », surtout dans une période où l’information est remise en cause. Il faut s’adapter à l’environnement médiatique mais rester solide sur ses bases.


Quel souvenir gardez-vous de votre premier journal télévisé sur TF1 ?

Le premier générique est très compliqué. C’est le principe du direct, ce n’est pas au début que l’on prend du plaisir. Il faut apprivoiser l’espace, gérer son attitude, se débarrasser du stress. Quand j’ai commencé ma carrière, je me voyais à la télé et je n’aimais pas l’image que je renvoyais. Mais me regarder m’a aidée à changer cette image, et je crois qu’aujourd’hui elle correspond à ce que je suis vraiment.

Quel a été votre plus beau journal télévisé ?

Je suis incapable de répondre à cette question puisque chaque journal télévisé est pour moi le journal télévisé de ma vie! Chaque jour est un challenge. Les journaux qui ont suivi les attentats n’étaient en aucun cas les plus beaux, mais ils resteront comme les plus denses et les plus complexes. Comment être marqué par ces événements au même titre que n’importe quel citoyen et en même temps avoir cette distance qu’exige notre profession de journaliste ? Le plaisir lui est d’avantage associé à de belles rencontres, comme celle avec Grand Corps Malade, Jean Dujardin ou Sylvester Stallone.

Qu’avez-vous apporté au journal télévisé du weekend ?

J’ai peut-être apporté un ton plus direct du fait de ma culture de terrain, qui influence ma façon d’écrire. Les journaux sont devenus plus longs et nous avons donc imaginé de nouvelles rubriques, telle que la rubrique « Demain », basée sur la 3D, qui nous permet de montrer ce qui n’existe pas encore. C’est aussi le cas de la « La minute pour comprendre » basée sur des dessins et très pédagogique.

Vous êtes une femme de terrain. La transition s’est-elle faite facilement ?

Le terrain me manque, c’est indéniable. J’essaye d’y retourner lors d’enregistrement de plateaux pour le« Zoom », comme ceux de Washington ou de Verdun. Le terrain continue de me nourrir et je me rends compte tous les jours de ce que mes expériences passées m’ont apportées.

Avez-vous changé depuis votre arrivée en tant que présentatrice ?

Seul mon emploi du temps a changé. Je sacralise le lundi pour passer du temps avec ma fille, et le mardi pour mes projets annexes. Mon métier me demande beaucoup de temps, d’ailleurs c’est plus qu’un métier. C’est une passion qui implique des sacrifices.


Qu’est-ce une journée de travail avec Anne-Claire Coudray ?

Le samedi et le dimanche sont des journées denses. Nous allions donc l’utile à l’agréable avec un petit déjeuner tous ensemble à partir de 8h30. Comme le week end nous ne sommes pas nombreux, les journalistes, les cameramen et tous ceux qui sont présents se joignent à nous pour discuter de l’actualité et donner des idées.
C’est un moment de réflexion collective, de travail. Nous organisons ensuite une conférence de rédaction pour élaborer le « conducteur », l’architecture du prochain journal, puis j’écris les lancements. Je pars ensuite au maquillage : 30 minutes de relaxation, avant une petite heure de relecture pendant laquelle j’ajuste mon journal. 15 minutes avant l’antenne, nous répétons les titres. C’est essentiel de bien poser les premiers mots et les premières images qui doivent donner envie aux téléspectateurs de rester nous écouter.

Avec un emploi du temps chargé, comment arrivez-vous à concilier vie professionnelle et vie privée ?

Je vis avec des gens très compréhensifs, et maintenant, contrairement à avant, je peux rentrer chez moi tous les soirs. C’est un métier prenant mais passionnant. Je suis également marraine d’une association qui s’appelle « Toutes à l’école », et je ne refuse jamais une sollicitation quand il s’agit de défendre l’accès à l’information.

Que peut-on vous souhaiter pour l’avenir ?

De ne jamais m’ennuyer et de toujours prendre autant de plaisir. Je n’ai pas peur de l’avenir, ni de l’action.