Alexandre Mazzia

Alexandre Mazzia Rencontre

Alexandre Mazzia réalise une cuisine de l’émotion, affinée, vive, précise dont la source se situe dans l’histoire de son auteur. Découvrir sa cuisine c’est suivre les circonvolutions de sa pensée, mais aussi de ses sentiments… Rencontre.

La source de votre cuisine se situe dans votre histoire, quelle est-elle ?
Je suis né au Congo. J’ai vécu 15 ans à Pointe-Noire, un des plus anciens ports de pêche d’Afrique. Là, j’ai grandi au milieu des raies, des palourdes, des murènes, en me nourrissant de papayes et de mangues au petit déjeuner. Une belle enfance en somme ! Mes grands-parents habitaient eux sur l’Île de Ré et j’allais régulièrement pêcher avec mon grand-père à 6 heures du matin. La mer a toujours guidé mon âme… Après, je suis parti vivre à Paris, j’avais alors 15 ans et cela a été une rupture difficile.

Quand avez-vous su que vous deviendriez cuisinier ?
Ma grand-mère l’a su avant moi. J’ai toujours eu un réel attrait au produit. Et puis, je retrouvais également dans la brigade un esprit de famille, une vie en communauté. On partage avec notre équipe une passion, on transmet une histoire… Après l’Ecole Hôtelière, j’ai eu la chance de rencontrer de grands chefs qui ont confirmé ma vocation. J’ai voyagé autour du globe en travaillant dans des maisons de retraite, des foyers de logement, des restaurants collectifs… Ce qui m’intéressait, c’était la possibilité de faire évoluer les choses dans des endroits où habituellement, la cuisine est tout sauf gastronomique. J’étais utopique, j’y croyais. Plus tard, j’ai travaillé en Espagne dans le laboratoire de recherche d’un restaurant 3 étoiles et j’ai ainsi pu tester ma créativité. J’adorais ça. J’ai également cuisiné pour un particulier. J’orchestrais ses repas protocolaires à travers le monde. On arrivait à New-York en jet privé et je devais préparer des menus pour lui et ses convives. J’avais accès à des produits rares et exceptionnels. Une superbe expérience, surréaliste ! Ensuite, j’ai eu envie de me poser. Après quelques années en tant que chef au restaurant du Corbusier à Marseille, je me sentais étriqué et j’ai eu envie de retrouver une certaine liberté en ouvrant mon restaurant. Je voulais un établissement de quartier, simple, où les gens prendraient du plaisir à manger. J’ai ouvert AM avec ma fidèle brigade. J’ai privilégié une cuisine ouverte sans rupture avec la salle, parce que cuisiner, c’est avant tout partager. La décoration est sobre, brute avec des matériaux magnifiques. Le chêne a plus de 200 ans d’âge, les chaises, pensées par le designer Jérôme Dumetz, sont en cordes de bateau, les meubles réalisés par Sebastien Mazonni, Maitre compagnon du devoir ébéniste, les murs sont en béton et coffrés à la main. J’avais envie d’aller à l’essentiel, comme dans mes plats. Je travaille sans filet en donnant tout ce que je possède. Chaque matin, je cuisine sur le moment, en fonction de ce que me donne la nature. Si un de mes clients est végétalien, végétarien, mange sans gluten ou sans fibre… je m’adapte. Cela me permet de relever des challenges et d’ouvrir d’autres portes de réalisations culinaires. Ma plus grande satisfaction est de voir les sourires sur les visages.

Crédit photos : Alexandre Mazzia

Vous avez décroché l’année dernière votre première étoile, une consécration ?
Je ne m’y attendais pas du tout. On avait ouvert 5 mois auparavant et cela a été une réelle surprise. Je suis surtout content pour Marseille, heureux pour mes collaborateurs. On n’est pas qu’une ville de pizza. La création se passe ici et ça commence à se savoir. La récompense est valorisante mais il faut prendre du recul. Un classement n’est jamais une finalité, on le sait bien.

Avez-vous des projets en préparation ?
Depuis quelques mois, j’organise des rencontres gourmandes innovantes autour de l’art et la création. J’accueille des chefs, qui viennent visiter le territoire marseillais pendant 72 heures. Ils s’en inspirent, choisissent une thématique comme la couleur, la texture, la matière… et proposent trois créations absentes de leur carte. De mon côté, j’exécute également trois plats répondant à leur thématique. Il y a un vrai échange entre nos équipes respectives, les clients peuvent rencontrer des chefs qu’ils n’auraient jamais eu l’occasion de voir… une expérience enrichissante !

Je voulais un établissement de quartier, simple, où les gens prendraient du plaisir à manger […] Ma plus grande satisfaction est de voir les sourires sur les visages.

En septembre prochain, j’ouvre également avec mon frère un Bar à mets à Aix-en-Provence. Je collabore sur le concept mais c’est lui qui sera à la tête du lieu. On a centrifugé une rôtisserie, une brasserie et un bar à tapas autour de différents alcools comme le vin, le saqué… On peut par exemple proposer un foie gras rôti pané avec une céréale torréfiée et un jus animal. C’est un lieu contemporain, vivant.

Plutôt salé ou sucré ?
Plutôt sucré. J’ai commencé chez Fauchon en pâtisserie et l’odeur des croissants et des pains au chocolat à 4 heures du matin, s’est ancrée profondément en moi.

Quel est votre plat préféré ?
L’agneau au quinoa de ma femme et les crêpes que je fais avec mon fils le dimanche matin. Il y a de la farine partout, des fraises écrasées, de la coquille d’oeuf… c’est un bonheur.

A la maison, c’est vous qui cuisinez ?
Je ne cuisine jamais. C’est ma femme qui s’en occupe. J’ai un besoin essentiel de raccrocher mon tablier quand je rentre chez moi.

Quel plat réaliseriez-vous si vous deviez séduire votre femme ?
Une moussaka.

Pour un repas entre copains ?
Quelque chose de simple. J’aime bien les barbecues. Une bonne viande, accompagnée d’un bon fromage, que demander de plus ?

Quelle est la recette dont vous êtes le plus fier ?
On travaille beaucoup la torréfaction en ce moment, le fumé, le brulé, ce serait donc une recette fumée/brûlée. On y mélange du piment glacé et ça transcende l’intensité du piquant avec le côté torréfié qui ressort. On arrive à des conjugaisons très agréables. On ne change pas l’identité première du produit, on lui apporte juste un caractère supplémentaire. L’idée est de donner une part structurelle dans l’histoire qu’on raconte. Pour y arriver, je fais beaucoup de recherches, d’essais… J’ai la chance d’avoir une bibliothèque de goût très large que je cultive !

Alexandre Mazzia
Restaurant AM par Alexandre Mazzia
9 Rue François Rocca
13008 Marseille
+ 33 (0)4 91 24 83 63
www.alexandremazzia.com